Les mobilisations “No-THT” continuent en Haute-Durance – contribution de Mountain Wilderness France

Aujourd’hui et depuis 3 ans se déroule au cœur des Hautes-Alpes, un « grand chantier inutile [1] » ardemment désiré par RTE-Réseau de Transport d’Électricité, une filiale d’EDF. Dans cette région encore préservée des Alpes, au climat ensoleillé et aux innombrables sommets, le tourisme est la principale activité. Qu’en sera t-il avec ces gigantesques pylônes ?

Depuis Gap jusqu’au nord de Briançon, RTE veut rénover l’entièreté du réseau électrique qu’elle juge « vétuste ». Au sein de la population haut-alpine, de nombreuses voix s’élèvent. Mais malgré l’opposition massive ds habitant-e-s (98,2% des contributions écrites attestent en effet un refus catégorique du projet de RTE en aérien), l’enquête d’utilité publique émet en 2013 un rapport favorable. Face à cette indifférence des autorités et de la filiale, la résistance s’organise et s’amplifie en Haute Durance. L’association Avenir Haute-Durance porte la voix de plus de 2000 adhérents tous portés par l’envie de préserver l’environnement de leurs vallées.
Parmi les 6 sections prévues par RTE, les sections P4 et P6, sont les plus contestées : prévues en lignes aériennes, avec une puissance de 225 000 Volts entre respectivement le lac de Serre-Ponçon et l’Argentière-la-Bessée et entre Gap et l’Embrunais, elles s’étaleront sur une longueur totale de quatre-vingt kilomètres. Avenir Haute-Durance réclame l’enfouissement de ces lignes comme cela a déjà été fait dans les Pyrénées Catalanes et ailleurs.

QUELS BESOINS ÉNERGÉTIQUES RÉELS ?

En 2009, RTE a réalisé un diagnostic énergétique et prédit un doublement de la consommation d’électricité dans la région entre 2009 et 2050. Selon le groupe, ce territoire est un « espace dynamique [qui] présente une spécificité forte : un afflux de fréquentation touristique durant les périodes hivernales générant une évolution à la hausse de la pointe de consommation ». Or il se base sur un pic de consommation artificiel en hiver lié au système des heures creuses. En réalité, la région est engagée dans une démarche de transition énergétique. En juin 2016, le Briançonnais a produit plus d’électricité qu’il n’en a consommé et le développement des énergies renouvelables telles que l’hydraulique et le solaire fait de ce département un territoire de pointe en la matière, étant déjà autonome à hauteur de 62% en 2017. La région fait également partie du réseau des TEPOS ou Territoires à Énergie Positive. Le TEPOS du Pays Serre Ponçon-Ubaye-Durance concerne plus de 20 000 habitants et prédit une autosuffisance énergétique d’ici 2030.

DES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX ET SANITAIRES

Les deux lignes à très haute tension traversent en effet des espaces classés, au sein de l’aire d’adhésion du Parc national des Écrins et des zones labellisées Natura 2000, faisant ainsi fi de directives nationales et européennes en matière d’environnement. Des bandes importantes de couverture forestière ont dû être déboisées pour l’implantation des pylônes et 83% des pistes d’accès ne sont pas « conformes aux plans officiels des emprises autorisées par les arrêtés préfectoraux ». Les conséquences sur les sols et forêts, la flore et la faune, ainsi que sur la nappe aquifère sont ainsi bien réelles. L’implantation des lignes aériennes met également en péril une vingtaine de captages d’eau potable par la réalisation, au niveau des zones de filtration de l’eau, de fondations et ancrages de pylônes. Une demande de dérogation sur 57 espèces protégées a été acceptée au bénéfice de RTE, passant outre les lois Montagne et Littoral. La Société Alpine de Protection de la Nature, la Ligue pour le Protection des Oiseaux, Mountain Wilderness et Arnica Montana, ont rejoint AHD dans ses luttes.

QUELS CONSÉQUENCES SUR LES SPORTS DE PLEIN-AIR ?

Un troisième impact est également bien réel, celui sur l’économie et le tourisme, qui constitue l’activité majeure des Hautes-Alpes à hauteur de 80%. Nombreuses seront les activités de plein air qui seront concernées. Le GR50 sera traversé seize fois par les lignes à haute tension et un certain nombre de sites de parapentes sont en sursis. Il en va de même pour les circuits de VTT, de ski de randonnée et des sites d’escalade.

L’IMPUNITÉ DE RTE

Depuis le début des travaux, un nombre total de 442 infractions a été observé et Avenir Haute-Durance a engagé en ce sens plusieurs recours en justice. L’association ne souhaite pas nécessairement un abandon du projet mais prône un enfouissement des lignes mais s’étonne de l’obstination de RTE. Le remplacement certes justifié d’un réseau datant des années 1930 ne cacherait-il pas un autre dessein, celui d’une autoroute énergétique vers l’Italie ? Dans ce cas, l’existence de lignes hors-sol permettrait au groupe français d’effectuer beaucoup plus facilement un raccordement avec son voisin transalpin et d’éventuellement passer à une puissance supérieure, allant jusqu’à 400 000 Volts. Cette possibilité a été confirmée en mai 2014 par la société italienne de production d’électricité Enel, déclarant qu’ils sont « en train de vérifier la meilleure solution de connexion au réseau électrique français, prenant en compte le projet de restructuration de la Haute-Durance. »